Le capitaine Degorce retrouve à Alger le lieutenant Andréani. Ils avaient été ensemble dans l’enfer de Diên Biên Phu. Le lieutenant admirait son supérieur, il lui dit même l’avoir aimé comme un frère. Mais en pleine guerre d’Algérie tout va être différent. Leur mission : arrêter le chef de la rébellion algéroise : Tarik Hadj Nacer, dit Tahar. Voici le début de ce que l’on peut appeler une lettre ouverte du lieutenant Andréani à son ancien capitaine : «
Pour arriver à leurs fins, parce qu’ils ont des ordres, tous les moyens sont bons. Alors qu’Andréani pratique la torture sans se poser de question (il fait juste un travail qui lui a été confié !) Degorce, en proie à l’obsession du péché, est en perpétuelle contradiction avec lui-même : contradiction exprimée dans le texte par un changement de typographie. Mais il fait le même travail que le lieutenant ! Vis-à-vis de Tahar il pratique une torture morale qui ne peut que nous paraître abjecte : « Comme je vous l’ai dit, nous ne vous interrogerons plus, mais par acquis de conscience, nous allons quand même poser quelques questions aux membres de votre famille. Peut-être votre jeune sœur, qui a 16 ans, je crois, et les mêmes yeux verts que vous… »
Un drame en trois journées
Jérôme Ferrari a construit son roman en trois chapitres, trois journées qui, dans l’esprit du capitaine, sont assimilées à la Passion du Christ. Lorsque Tahar est arrêté et amené à la villa Sainte Eugène, le capitaine passe des heures à parler avec lui, car il admire le calme du kabyle. Que cherche-t-il vraiment ? Une absolution, la paix, qu’il n’arrive plus à trouver ?
Un quatrième personnage est présent par ses lettres, Jeanne-Marie, la femme de Degorce, lettres auxquelles il ne peut plus répondre : « Il prend du papier et commence à écrire. Il cherche des mots tendres et les mots fuient. » A la fi n de son dernier monologue intérieur, au cours duquel il s’adresse à sa femme, il affi rme : « Je suis un animal qui gémit, si froid que je n’éprouve même plus la douleur qui me fait gémir, et bien que je sache que j’ai depuis longtemps perdu le droit de le prier, je le prie quand même, je voudrais seulement qu’il me permette de revenir, ne serait-ce qu’un instant, où j’ai laissé mon âme. »